Il y a des jours où j’ai l’impression qu’on parle du poids des gens comme de la pluie et du beau temps. On glorifie la minceur comme si c’était la meilleure chose qui pouvait arriver à quelqu’un. Puis, on se surprend à voix haute qu’une personne ait pris du poids. On commente ce que les autres mangent ou on justifie notre deuxième assiette en se disant qu’on se reprendra en janvier…
Ces commentaires, trop présents, sont partout, alors qu’on devrait apprendre à s’en passer. Ces commentaires qui, même bien intentionnés, devraient être à bannir, rien de moins ! Pour cet article, j’ai eu le plaisir de collaborer avec mes collègues Cora Loomis, Julia Lévy-Ndejuru, Marilou Morin et Sarah Lê.
On te partage trois situations où on ferait mieux de garder ses commentaires pour soi. Trois sujets de conversations à éviter pour que toi et les gens que tu aimes puissiez profiter des festivités sans vous sentir jugés. Ne t’inquiète pas, j’ai aussi des exemples de réponses à donner pour te protéger.
Féliciter une perte de poids, ce n’est pas un compliment!
Ça a l’air que lorsqu’on n’a pas vu quelqu’un depuis longtemps, la meilleure chose qu’on trouve à dire est de commenter son poids et son apparence. Parfois de façon bien intentionnée, parfois un peu maladroitement. Dans tous les cas, on ne réalise pas l’ampleur des dégâts que ces simples mots prononcés peuvent avoir sur les gens autour de nous et à quel point ils peuvent blesser ceux qu’on aime.
– Hey ça fait longtemps qu’on ne s’est pas vus ! T’as donc ben perdu du poids ! Wow !
Féliciter une perte de poids, ce n’est pas un compliment. Pour la personne qui reçoit le commentaire, ça sous-entend que le poids qu’elle pesait avant n’était pas adéquat. Avant, tu étais trop grosse, entend-elle. Certaines personnes se sentiront valorisées qu’on souligne leur perte de poids et chercheront à mieux contrôler leur alimentation pour conserver cette reconnaissance. Plusieurs études le démontrent, les commentaires par rapport au poids alimentent l’obsession et contribue au développement d’une relation malsaine avec la nourriture et avec son corps. Les personnes grosses qui en sont témoins sont aussi affectées par ce qu’elles entendent. Elles comprennent bien qu’on sous-entend qu’avoir un corps comme le leur est nécessairement une mauvaise chose. Elles sont invalidées dans l’image qu’elles projettent, ce qui peut être extrêmement blessant. Aussi, il faut garder en tête qu’une perte de poids cache parfois la maladie, la dépression, ou encore un trouble alimentaire, et ce, plus souvent qu’on peut le penser.
L’assiette des autres, ce n’est pas de tes affaires!
Quand on ne l’a jamais vécu, on ne comprend peut-être pas ce que c’est de toujours avoir l’impression que les gens surveillent ce qu’on mange, parce qu’on est gros(se). Que les gens s’assurent qu’on mange assez, parce qu’on est, selon eux, trop maigre. On ne comprend peut-être pas l’impact de ces regards ou des commentaires murmurés juste assez fort pour qu’on l’entende au bout de la table.
– Hein ! Regarde-là, ça fait deux fois qu’elle se sert, elle peut bien être grosse…
– Bin voyons, ça ne lui ferait pas de tort de manger plus, elle a la peau sur les os…
Je vois même des gens commenter leurs propres choix alimentaires, comme s’ils avaient besoin de se justifier. Mange ce que tu veux, tu ne dois pas d’explications à personne ! Et même-là, un commentaire dirigé envers soi peut rendre les autres inconfortables, voire les blesser.
Qu’on commente son assiette ou celle des autres, ce qu’on mange et en quelle quantité, ça ne regarde personne ! On se culpabilise à voix haute de piger une deuxième fois dans les petites saucisses en disant que ça s’en va toute dans nos fesses. Et on ne pense pas à l’impact que ces mots peuvent avoir sur ceux qui se resservent pour la 3e fois (parce que c’est clairement la meilleure affaire du buffet).
Le temps des fêtes, ce n’est pas un Cheat Day
Les régimes, c’est un autre sujet sensible à éviter pendant le temps des fêtes. On ne s’en doute pas toujours, mais peut-être que la personne à qui on vante nos règles alimentaires a travaillé vraiment fort dans la dernière année pour se sortir de cette boucle infernale.
– On se gâte ce soir, c’est Noël, on se reprendra en janvier.
– Ah pis ça, ce n’est pas bon pour la ligne, il ne faut pas en manger trop souvent.
Quand j’entends ces commentaires, je suis partagée entre la colère et la tristesse, car je connais trop bien les impacts négatifs de la restriction et des régimes. S’il t’arrive de passer ce genre de commentaires, je t’encourage à explorer ta relation avec la nourriture. La vie, ce n’est pas un régime. Il n’y a pas de bons, ni de mauvais aliments.
Quoi dire alors ?
Je sais, c’est facile de parler de bouffe, de poids et de l’image des gens. Tout le monde mange et on fait facilement un raccourci entre ce qu’on met dans notre assiette et notre tour de taille. Sauf que ces choses restent très complexes et personnelles. On vit tous une relation unique avec la nourriture et avec notre corps et c’est bien correct comme ça.
Si tu as l’habitude de commenter le poids et l’apparence des gens autour de toi, il se peut que tu te retrouves sans mots devant ta belle-sœur que tu vois juste une fois par année. Donc pour t’aider, j’ai pensé te proposer 5 sujets de conversations qui, habituellement, brisent bien la glace.
– Quoi de neuf dans ta vie ?
– Quels sont tes projets dans la prochaine année ?
– Quelles nouvelles activités as-tu essayées ?
– Quelles séries suis-tu sur Netflix?
– Comment va ton chat ou ton chien?
Avant toute chose, demande-toi si ton commentaire vaut la peine d’être dit et s’il est respectueux. Même s’il ne s’adresse pas à la personne directement, n’oublie pas que d’autres personnes autour de toi peuvent t’entendre, que ce soit des enfants, ou encore une personne qui n’est pas bien dans sa peau. Pour ces personnes aussi, l’impact des commentaires sur le poids est souvent plus grand et dommageable que l’intention qui est derrière. Sois un leader positif dans ton environnement et n’hésite pas à rediriger la discussion si elle s’enligne pour déraper. ÉquiLibre a d’ailleurs plusieurs outils intéressants développés dans le cadre de la semaine Le poids? Sans commentaire! qui a lieu en novembre chaque année.
Pour toutes les personnes qui subissent ces commentaires, que tu sois une personne grosse, petite, peu importe, je tiens à te dire que ton corps est bien tel qu’il est et ce que les autres en disent ne change rien à ta valeur. Je souhaite que tu apprennes à le respecter, à l’accepter, à l’aimer, sans donner le pouvoir à quiconque de briser l’image que tu as de toi. Pour t’aider, mes collègues et moi avons construit une liste de réponses à donner pour t’aider à faire face à ces commentaires plates, disponible sur le blogue de ma collègue nutritionniste Marilou Morin.
Pour Noël, cette année, j’espère qu’on va trouver mieux à se dire que de juger ce qu’on mange et parler de notre poids. Qu’on va se retenir de commenter l’assiette de tout le monde (la tienne aussi). J’espère qu’on pourra laisser les gens manger ce qu’ils veulent sans leur rappeler qu’ils mangent beaucoup, ou pas assez. J’espère qu’on sera respectueux et bienveillants.
Un gros merci à mes collègues Cora Loomis, Julia Lévy-Ndejuru, Marilou Morin et Sarah Lê pour leur précieuse collaboration à la rédaction de cet article.
Sur un sujet similaire, je vous suggère de lire mon article À toi qui critiques ton poids et ton apparence.
Références
Andrés, A., & Saldaña, C. (2014). Body dissatisfaction and dietary restraint influence binge eating behavior. Nutrition Research, 34(11), 944-950.
Mills, J., Mort, O., & Trawley, S. (2019). The impact of different responses to fat talk on body image and socioemotional outcomes. Body image, 29, 149-155.
Shannon, A., & Mills, J. S. (2015). Correlates, causes, and consequences of fat talk: A review. Body image, 15, 158-172.
Sharpe, H., Naumann, U., Treasure, J., & Schmidt, U. (2013). Is fat talking a causal risk factor for body dissatisfaction? A systematic review and meta‐analysis. International Journal of Eating Disorders, 46(7), 643-652.
Mills, J., & Fuller-Tyszkiewicz, M. (2017). Fat talk and body image disturbance: A systematic review and meta-analysis. Psychology of Women Quarterly, 41(1), 114-129.